J’ai bien réfléchi à ma panne résolue en branchant mon boîtier TCI sur la Transalp d’une copine.En fait, le boîtier a reçu les bonnes ondes de cette Transalp, les a précieusement gardées, et les a utilisées lorsque je l’ai remis sur ma moto.
C’est cela, la solidarité Transalpiste. Les motos savent transmettre ce qu’elles ont de meilleur en elle à celles qui sont un peu faibles ou franchement fatiguées. Et comme elles sont modestes, elles laissent croire au pauvre motard qui s’échine à les réparer que ce sont ses talents de mécanicien qui ont tout fait.
D’ailleurs, quand j’y repense, ma deuxième Transalp m’avait déjà montré des aptitudes à l’auto-médication. C’était en 2003, alors que nous étions au sud du Maroc, dans les gorges du Todra.
Le soir, au camping, je faisais une inspection de ma Transalp à peine rodée (170 000 kilomètres environ….) quand, ô stupeur, je vois une fuite au niveau du joint de culasse. Après l’avoir nettoyé, je continuai, les jours suivants, à contrôler cette fuite, toujours présente.
Vaguement inquiet, compte tenu des températures élevées dans cette région du Maroc, j’eus l’heureuse surprise de constater, quelques jours plus tard, sa disparition. Cette dernière s’avéra totale …. et définitive.
Quelques années auparavant, j’avais eu quelques sueurs froides (chaudes plutôt !) quand le moteur de ma Honda 750 XLV s’était éteint dans une longue ligne droite, mince ruban de bitume bordé par le sable omniprésent. J’étais dans le sud de l’Algérie, la route était déserte. Après avoir diagnostiqué l’absence d’arrivée d’essence, j’avais changé mon filtre à essence, sans résultat.
J’avais alors entrepris de pousser ma trop lourde moto jusqu’au minuscule village que j’apercevais, au loin. Après quelques kilomètres et une bonne suée, j’avais trouvé un « garage », bâtiment de 5 mètres sur 3 dans lequel un homme officiait sur une vieille Renault 4.
Très gentiment, il avait cessé son activité pour se consacrer à ma moto. « Si l’essence n’arrive pas, c’est que ta pompe à essence ne fonctionne pas », m’avait-il dit. Il avait alors branché cette dernière directement sur ma batterie avec deux câbles électriques qui traînaient par terre et le moteur se réveilla. Malheureusement, l’origine du mal semblait provenir du boîtier électronique et le moteur tournait très mal.
Après une nuit à réfléchir, j’avais alors entrepris, en partant au lever du soleil, de rallier Alger. Ce fut une longue, très longue étape, avec des barrages militaires (c’étaient les balbutiements des évènements sanglants avec les islamistes) où je n’osais même pas éteindre le moteur de peur qu’il ne redémarre pas. Je faisais également le plein sans couper le moteur et j’arrivai, à la nuit tombée, épuisé, à Alger.
Le lendemain, je pris un bateau qui m’emmena à Marseille.
En arrivant sur le port, la raison aurait voulu que j’aille chez le premier concessionnaire Honda pour régler le problème. Pourtant, mû par je ne sais quelle force, j’entrepris de parcourir les 600 kilomètres jusqu’à Tarbes. Le moteur n’acceptait pas de dépasser les 100-110 kilomètres/heure. Que la route me parut longue !
Enfin, j’arrivai dans la maison familiale.
Le lendemain, je rejoignis ma concession Honda et ma moto s’arrêta définitivement à 20 mètres du magasin !
Là aussi, j’avais compris que ma moto avait mis toute son énergie à aller jusqu’au bout du voyage, tel le marcheur qui oublie sa fatigue, ses crampes, pour terminer son étape de montagne.
C’était comme s’il n’y avait plus de logique mécanique dans son comportement, mais une âme sous son réservoir d’essence. Il m’était souvent arrivé de parler à mes motos, pour les encourager, d’une tape amicale ou pour leur demander de tenir le coup dans des étapes difficiles, sur des pistes ardues ou sous une tempête de sable, et c’est comme si, par leur comportement, elles me montraient qu’elles avaient quelques chose d’humain, de vivant tout au moins.
Je vais peut-être cesser de lire les conseils prodigués par Manu et la bande pour réparer ou entretenir nos chères motos. Ces dernières ont en fait juste besoin de beaucoup d’amour et nous le rendent au centuple par leur comportement bienveillant à notre égard.
Maintenant que j’y pense, en 1990, c’est ma XLV 750 qui, au sortir du Plateau du Fadnoun, en Algérie m’a convaincu de m’arrêter (par télépathie certainement) dans cette longue ligne droite surchauffée, alors que je croyais que c’était ma propre décision. Elle savait que je me rendrais alors compte de la présence des toutes ses tâches d’huile sur mes bagages, que je me pencherais alors sous le moteur et que je verrais, horrifié, le bouchon de vidange à moitié desserré, résultat de 800 kilomètres de piste accidentée. En fait, elle a voulu me prévenir qu’elle allait mourir très vite, si je ne m’occupais pas d’elle.
La moto, c’est très simple, une histoire d’écoute, de compréhension et d’amour entre l’homme ou la femme et sa machine. La trousse à outils en devient accessoire, voire inutile.
PS : vous n’êtes pas obligés d’adhérer à mes conclusions pourtant largement argumentées….